Depicting Anthia and Habrocomes in the 18th and 19th centuries
Résumé
Le musée des Beaux-arts de Gand abrite une toile de J. Paelinck, La Belle Anthia marchant à la tête de ses compagnes au temple de Diane à Éphèse, qui emporta la victoire au concours de peinture d’histoire de l’Académie royale des Beaux-arts de Gand en 1820. On peut être étonné, quand on connaît la mauvaise fortune critique du roman de Xénophon d’Éphèse, de découvrir que ses personnages ont été élevés au rang de héros mythologiques, jugés dignes de figurer sur un tableau du grand genre. Les Éphésiaques n’ont certes pas connu le succès littéraire et iconographique des Éthiopiques aux XVI e et XVII e siècles, mais l’existence de quelques productions iconographiques inspirées du roman de Xénophon, que l’on se propose d’étudier ici, doit permettre d’évaluer la place singulière qu’il occupe dans l’histoire de la réception des romans grecs aux époques modernes et contemporaines. Outre le tableau de J. Paelinck, seront considérées trois autres œuvres picturales : La rencontre d’Anthia et d’Habrocomès à la fête de Diane, de J. Amigoni ou G. Tiepolo (1743, Venise), La belle Anthia de S. Frémiet, future épouse Rude et concurrente de Paelinck (1820, collection particulière), Les Amours d’Abrocome et de la belle Anthia, de F. de Vigne (1830, Bruxelles). Seront également incluses dans l’étude les gravures qui accompagnent la traduction française des Éphésiaques par J.-B. Jourdan dans son édition de 1748 (Paris). En tâchant de replacer gravures et tableaux des XVIII e et XIX e siècles dans leur contexte de création ainsi que dans la tradition iconographique inaugurée au début du XVII e siècle avec Les Éthiopiques d’Héliodore, on tentera de répondre plus particulièrement à deux questions. La première est centrée sur le traitement des topoi du roman grec, qui constituent l’un des fondements du genre romanesque et qui font l’objet des représentations étudiées dans cette communication : que peut-on dire du choix des artistes et de leurs commanditaires qui représentent des passages aussi topiques que le portrait de l’héroïne en déesse Artémis ou la scène de coup de foudre ? La seconde interrogation, intimement liée à la précédente, porte sur l’éventuel glissement du « romanesque » au « mythologique », qui semble, à première vue, justifier le fait de proposer Les Éphésiaques pour un concours académique de peinture d’histoire, ce qui pourrait constituer une sorte d’ennoblissement du récit de Xénophon. On se demandera, finalement, si c’est le romanesque ou son euphémisation qui suscite l’intérêt des amateurs de ce roman au cours du premier siècle de sa redécouverte.