« Jamais deux sans trois » -Nouvel échec du processus de légalisation de la mort médicalement assistée au Portugal - Université de Pau et des Pays de l'Adour Accéder directement au contenu
Autre Publication Scientifique La lettre ibérique et ibérico-américaine Année : 2023

« Jamais deux sans trois » -Nouvel échec du processus de légalisation de la mort médicalement assistée au Portugal

Résumé

Le 30 janvier 2023, le Tribunal constitutionnel portugais a rendu une nouvelle décision, dans le cadre du processus de légalisation de la mort médicalement assistée, entrepris il y a de cela plus de deux ans par la majorité parlementaire de gauche. La Haute juridiction avait déjà été saisie, par le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, d'une première loi adoptée par l'Assemblée de la République le 29 janvier 2021 (136 voix pour, 78 voix contre et 4 abstentions). Le texte soumis à l'examen du Tribunal constitutionnel se fixait alors pour objectif d'ouvrir le recours à la mort médicalement assistée aux Portugais majeurs vivant sur le territoire et se trouvant « dans une situation de souffrance extrême, présentant des lésions irréversibles » ou atteints « d'une maladie incurable ». Dans sa décision n°123/2021 du 15 mars 2021, le Tribunal avait consacré le principe selon lequel l'inviolabilité de la vie humaine, telle que garanti par l'article 24-1 de la Constitution, ne saurait être entendu comme un devoir de vivre dans n'importe quelle circonstance et avait, ainsi, ouvert la porte à une possible légalisation de l'euthanasie. Il avait néanmoins conclu à l'inconstitutionnalité partielle du dispositif législatif dont il était saisi, en raison du caractère excessivement indéterminé des concepts de « souffrance extrême » et de « lésions irréversibles », sources d'entorses au principe de prévisibilité de la loi (v. La lettre ibérique, n° 26, avril 2021, p. 8). Un premier échec qui avait conduit le Parlement à revoir sa copie. Cela s'était traduit par l'adoption, le 5 novembre 2021, d'un nouveau texte destiné à encadrer plus rigoureusement le recours à la mort médicalement assistée. Recueillant une majorité de 138 voix sur 227, cette deuxième loi n'avait, cependant, pas plus suscité l'adhésion de Marcelo Rebelo de Sousa. Ainsi que la Constitution l'y autorise, le chef de l'Etat lui avait opposé son veto au motif, ici également, de l'imprécision des raisons susceptibles de justifier le recours à l'euthanasie. L'actuel président de la République attendait, notamment, des députés qu'ils précisent si le recours à l'euthanasie peut être autorisé en cas de « maladie fatale », « incurable » ou seulement « grave », dès lors que l'ensemble de ces termes figuraient dans le texte de loi. Deuxième échec donc, malgré la possibilité offerte à l'Assemblée de la République de surmonter le veto présidentiel par un vote à la majorité absolue des députés. Une possibilité purement théorique, en l'occurrence, dans la mesure où, par un concours de circonstances, le veto du chef de l'Etat était intervenu alors qu'il avait déjà annoncé sa décision de dissoudre le Parlement et de convoquer des élections législatives. Dans l'impasse, le processus législatif a, toutefois, repris à la suite des élections anticipées du 30 janvier 2022 (v. La lettre ibérique n° 30, mars 2022, p. 1). Loin d'abdiquer, la nouvelle majorité socialiste issue du scrutin a proposé une troisième version du texte, définitivement adoptée par l'Assemblée de la République le 9 décembre dernier. C'est précisément cette troisième version que le Tribunal constitutionnel était appelé à examiner dans le cadre de sa décision n°5/2023. Toujours aussi sceptique quant à la constitutionnalité du dispositif législatif, le président de la République a, en effet, décidé de saisir une nouvelle fois la Haute juridiction. Or, là encore, cette dernière a conclu à l'inconstitutionnalité partielle du texte soumis à son examen. Le législateur, ainsi que l'indique la décision, s'est certes efforcé de densifier et de clarifier certains concepts indéterminés contenus dans la première version de la loi. Mais il en a également modifié d'autres aspects essentiels dont il résulte des incertitudes au sujet du champ d'application exact de la nouvelle loi. Selon le Tribunal constitutionnel, ce sont singulièrement les dispositions relatives au type de souffrance qui ouvre l'accès à une mort médicalement assistée qui posent problème. En énumérant trois catégories de souffrances-« physique, psychologique et spirituelle »-liées par la conjonction « et », le législateur a fait naître un doute, qu'il lui appartient d'éclaircir, quant au fait de savoir si celles-ci doivent être cumulatives ou alternatives. Un troisième échec loin d'être insurmontable certes, mais qui suppose, une fois de plus, que le législateur revoit sa copie. D.L.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-04133816 , version 1 (20-06-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04133816 , version 1

Citer

Dimitri Löhrer. « Jamais deux sans trois » -Nouvel échec du processus de légalisation de la mort médicalement assistée au Portugal. 2023, pp.11-12. ⟨hal-04133816⟩
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