Référendum d'autodétermination ou autonomie ? - Université de Pau et des Pays de l'Adour Accéder directement au contenu
Autre Publication Scientifique La lettre ibérique et ibérico-américaine Année : 2022

Référendum d'autodétermination ou autonomie ?

Résumé

La diplomatie n'a pas échappé aux innombrables effets produits par la pandémie de Covid-19 sur la vie politique et institutionnelle espagnole. Il n'est pourtant pas ici question d'une quelconque géopolitique des vaccins ou de la revendication d'une prétendue souveraineté sanitaire, mais des suites du statut d'ancienne puissance colonisatrice de l'Espagne. Alors qu'elle l'administrait depuis 1883, l'Espagne est, en effet, contrainte d'abandonner le territoire du Sahara occidental au Maroc et à la Mauritanie à l'été 1976, après que le roi du Maroc de l'époque, Hassan II, a déclenché, en novembre 1975, la « marche verte » vers le Sahara et alors que le général Franco, agonisant, avait entamé un vague processus de décolonisation. Depuis lors, ce « territoire non-autonome »-selon la typologie des Nations Unies-, doté de ressources naturelles considérables et bordé par le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie, est le cadre d'un conflit de souveraineté. Tiraillé entre l'autonomie, proposée par le Maroc, et l'indépendance, prôné par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario qui ont déclaré la République arabe sahraouis démocratique (RASD) en 1976, il est le siège d'une guerre entre ce Front Polisario et le Maroc, qu'un cessez-le-feu, signé en 1991, n'a pas totalement éteinte. D'ailleurs, l'affaire, dans ses développements les plus récents, débute au plus fort de la crise sanitaire, lorsque la ministre des Affaires étrangères espagnole de l'époque, Arancha González Laya, accepte, le 17 avril 2021, l'entrée en Espagne, en vue de son hospitalisation, de Brahim Gali, leader du Front Polisario, atteint d'une forme grave de Covid-19, déclenchant une crise diplomatique grave entre l'Espagne et le Maroc. Après avoir rappelé son ambassadeur à Madrid, le Maroc a, un mois plus tard, le 17 mai 2021, utilisé les migrants pour exercer une pression sur Madrid, laissant passer et entrer dans l'enclave espagnole en territoire marocain de Ceuta de plus de 10 000 d'entre eux, produisant une marée humaine qui a vite débordé Guardia Civil et police nationale, au point d'exiger le déploiement d'effectifs de l'armée espagnole. C'est donc une partie à trois bandes qui se joue depuis plusieurs décennies et dans laquelle le Maroc paraît avoir pris l'avantage depuis que le 18 mars dernier. Pedro Sánchez, à la surprise de toute la classe politique espagnole, a déclaré que le « plan marocain d'autonomie » en la matière constituait « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend », opérant ainsi une volte-face dans le traitement de la situation internationale de ce territoire mais aussi, et surtout, dans sa politique extérieure. Allant jusqu'à relever les « efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations Unies pour trouver une solution mutuellement acceptable », l'Espagne désavoue ainsi les indépendantistes sahraouis qui réclament, quant à eux, la tenue d'un référendum d'autodétermination dans ce territoire, contrôlé à 80 % par le Maroc. Mais en cherchant à mettre fin à plus de dix mois de crise, Madrid se fâche aussi avec l'Algérie qui, le 19 mars, a rappelé son ambassadeur et fait désormais peser le risque d'une aggravation de la crise énergétique dont souffre déjà l'Espagne, puisque Alger pourrait ne plus répondre, comme elle le faisait jusque-là, à la fourniture de la moitié des besoins en gaz du pays. Enfin, le revirement a aussi secoué le gouvernement de coalition de Pedro Sánchez, Unidas Podemos, principal allié du Partido socialista (PSOE) au sein de l'exécutif, affirmant ne pas avoir été informé de cette décision du chef du gouvernement, tandis que le Partido Popular, principal opposant au PSOE, exprimait, quant à lui, son malaise. La crise diplomatique n'est, dès lors, pas achevée. Certains ont même tenté de lui faire produire des conséquences juridiques, cherchant à mettre en cause, en vain, la responsabilité politique d'Arancha González Laya. H. A.

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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

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Identifiants

  • HAL Id : hal-03975886 , version 1

Citer

Hubert Alcaraz. Référendum d'autodétermination ou autonomie ? : La real política internationale de Pedro Sánchez. 2022, pp.8-9. ⟨hal-03975886⟩
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