Un écran de fumée - Université de Pau et des Pays de l'Adour Accéder directement au contenu
Autre Publication Scientifique La lettre ibérique et ibérico-américaine Année : 2022

Un écran de fumée

Résumé

Un écran de fumée Plus de 17 millions de Mexicains se sont déplacés le 10 avril dernier, et ont voté à 91,1 % en faveur du maintien de Andrés Manuel López Obrador, dit AMLO, comme chef de l'État du Mexique. Le chef de l'État, élu en 2018, devait faire face à un référendum de révocation. Cette consultation populaire, sans précédent dans l'histoire du pays, constitue formellement un référendum de confiance à l'égard du président mexicain dont le mandat s'achève, en principe, en 2024. Les circonstances électorales ont fait de cette votation le moyen pour López Obrador de refonder sa légitimité face à ses opposants et de mobiliser ses partisans en faveur de sa politique. Ce vote est une promesse du président figurant dans le programme de son parti, Morena. Contre toute attente, le référendum n'a pas mobilisé ses adversaires, l'opposition y voyant « une farce » et appelant, au contraire, à boycotter une consultation déclenchée, non pas par les citoyens mais par les partis politiques euxmêmes. La victoire d'AMLO, qui n'a réuni contre lui que 7,5 % de votes défavorables, ne doit, d'ailleurs, pas tromper puisqu'elle n'est acquise qu'avec 17,5 % de participation, loin du quorum en principe fixé à 40 %. Les résultats du dimanche 10 avril sont donc dépourvus de caractère contraignant et représentent, en réalité, la preuve d'une mobilisation des bases électorales les plus fidèles au président. Pour comprendre le mouvement qui a produit cette consultation, il faut se souvenir qu'en 2019, le président López Obrador a été à l'origine de la révision de la Constitution qui la permet et qui a précisément eu pour but la rénovation de la démocratie. Avait-il prévu qu'un tel référendum se transformerait en campagne politique partisane teintée de plébiscite ? Une certitude, en revanche : le Mexique est en train de découvrir les affres des consultations populaires, lui qui, en août 2021, proposait le premier référendum convoqué sur le fondement d'une loi-afin d'ouvrir la voie à la possibilité du jugement d'anciens responsables politiques du pays-, mobilisant alors moins de 8 % des électeurs. En toute hypothèse, les risques pour le chef de l'État mexicain étaient maîtrisés, car, malgré une grave crise de l'insécurité, l'actualité n'avait récemment révélé aucun scandale politique majeur susceptible de provoquer une mobilisation massive du corps électoral de nature à le mettre en danger. D'autant plus que commençaient les vacances de Pâques au Mexique. Surtout, le président est parvenu à tirer parti de son différend avec l'Institut national électoral (INE) en charge de l'organisation de la consultation. En effet, le président et les principaux membres de son cabinet ont été visés par plusieurs sanctions pour avoir outrepassé leurs droits, dans la mesure où, depuis deux mois, il leur est interdit de discuter du référendum, tâche quasiment impossible dans un pays où le chef de l'exécutif a pour habitude de tenir plusieurs fois par semaine une conférence de presse. Au point que l'INE est apparu aux yeux de certains comme un instrument aux mains de l'opposition, ce qui a provoqué la réduction de son budget par le Parlement, et subséquemment des difficultés dans l'organisation du référendum de révocation. Par ailleurs, le processus a également été instrumentalisé par le noyau dur des proches de López Obrador pour prendre position dans la course à sa succession. Des trois principaux prétendants à sa succession, un seul, la mairesse de Mexico, Claudia Sheinbaum, a soutenu sans équivoque le référendum. Marcelo Ebrard, conseiller, et Ricardo Monreal, sénateur, quant à eux, ont préféré faire profil bas ces dernières semaines. D'une certaine manière, la consultation marque un avant et un après, puisqu'après les élections des gouverneurs de six États qui doivent se tenir dans quelques jours, tous les regards se tourneront vers les élections présidentielles de 2024. Finalement, la révocation n'aura été qu'une question bien secondaire et la « rénovation de la démocratie » la grande absente de la consultation. H. A. MARGES Le 10 avril était organisé au Mexique un référendum de révocation du président López Obrador Le président López Obrador a remporté la consultation avec 91,1 % de votes favorables. Avec seulement 17,5 % de participation, le référendum n'a pas d'effet contraignant.

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  • HAL Id : hal-03975866 , version 1

Citer

Hubert Alcaraz. Un écran de fumée. 2022, pp.6-7. ⟨hal-03975866⟩
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