. L'événement-se-situe-dans-une-expérience-visuelle, Sur le terrain, quelque chose manque entre la / souche brûlée et le canale. Il manque un mot. » (sonnet X). Le sonnet est instantané en mots ; la mise en page évite aussi la banalité ou la banalisation du dire que l'on pourrait reprocher à la tautologie « Viviane est Viviane. Évidente, seule. » (sonnet XX), où la répétition de [vi] fait de la ligne un hommage à la vie et à la nature vivante du langage ; banalisation que l'on pourrait reprocher aux listes (le sonnet XIII se présente comme la Chronique des grands travaux d'été, sonnets XX et XXI de la seconde partie), à la recette de cuisine du sonnet IX de la deuxième partie, ou aux collages (le sonnet XXIX est un collage de vers d'autres sonnets du même recueil). Dans le sonnet XII de la seconde partie, Quelle opération, mathématique ou logique, peut / compter, à la fois, en mètres, en arbres et en / années ? » (sonnet VIII)

, les ordonne au sens mathématique pour dire l'état du poète amoureux, pour retrouver la référence originelle du sonnet, le dire de Pétrarque à Laure, de Ronsard à Marie, Hélène ou Cassandre. Les Oulipiens aiment aussi à réécrire les sonnets dans une sorte de translation d'un poème vers d'autres. L'intertextualité joue autant dans la signifiance du poème que le signifié obtenu, Ces lignes semblent commenter l'espace mental du sonnet dans ce recueil : il range les choses

S. Góngora, . Nerval, and M. Rimbaud, Jacques Darras lui se situe dans une démarche de comparatiste. Angliciste, il pratique et traduit des sonnets anglais. Sa démarche poétique se rapproche davantage des poètes anglo-saxons. « Mes sonnets se sont voulus quant à eux en alexandrins le plus souvent non rimés, par là-même inégaux, où l'effet de ?sonnerie? est tout entier reversé à l'allitération. Un tel attelage ne sonne peut-être pas clairement à l'oeil français encore trop ajointé aux attentes des butées finales 47 . » J. Darras lie intimement le visuel et l'auditif : l'attente de la rime n'est pas une attente rythmique, phonétique, elle devient une attente visuelle, révélatrice d'une architecture, de l'idée que l'on se fait du sonnet. Cela relève des pratiques de lecture silencieuses, Si l'on relève un fort ancrage dans l'univers poétique français, certains poètes, en fonction de leur formation, situent leur prédilection pour le sonnet dans un contexte européen : Robert Marteau évoque Pétrarque

, Le sonnet se construit comme un temple assurant une continuité de l'histoire, un retour à une sorte d'alchimie poétique, Pour Bernard Noël, p.45

A. Oulipo and G. , , p.183, 2009.

C. Bloomfield, OuLiPo : quand une forme fixe n'est plus une contrainte, El Desdichado, pp.51-66
URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01474048

J. Darras, « Pourquoi m'arrive-t-il d'écrire des sonnets ? », Le sonnet contemporain, p.232

D. De-pascal, Le sonnet, s'il souffre du « syndrome chinois », n'en demeure pas moins une forme rendue souple par le traitement spatial que le poète peut choisir d'adopter : il laisse une marge de manoeuvre certaine qui permet aux poètes d'explorer tous les registres, du plus tragique dans l'expression de la perte originelle, jusqu'au plus amusant, dans la réécriture parodique. Le sonnet s'est alors imposé comme un traitement visuel du langage, dont les enjeux sont parallèles à ceux du poème, de la variation d'intensité 53 de sa forme

. Bonnefoy, Raturer outre, 2010.

. Cendrars, « poèmes dénaturés » in Du monde entier Poésies complètes 1912-1924, Gallimard, pp.117-122, 1947.

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«. De-la-forme, avec les variations que l'on peut trouver d'une école à l'autre, voire d'un recueil à l'autre pour un même poète. -La fécondité symbolique des traitements dont elle fait l'objet : simple usage instrumental de la forme ou parti poétique tiré des contraintes et de la plasticité spécifiques. -Le degré d'adhésion ou de mise à distance avec la forme alternant un crédit spontanément accordé aux vertus poétiques de la forme sonnet et une mise en procès de l'éloquence dont elle serait porteuse, p.257