S. Bédouret-larraburu, Le fonctionnement narratif s'analyse alors dans le choix des temps, que le poète utilise le présent de narration comme dans la section IV, « Je me réveille, il pleut 87 . [?] », ou les temps du récit, comme dans le poème La Salamandre, qui contient une dimension épique : « Ainsi restions-nous éveillés au sommet de la nuit de l'être. Un buisson céda 88 . » De plus, ce poème n'est pas sans rappeler un poème en prose d'Aloysius Bertrand, « La Salamandre », extrait de Gaspard de la nuit 89 , qui revisite un espace médiéval dont l'imaginaire est tout empreint de romantisme, Bertrand fait dialoguer la salamandre et le grillon. Ce dernier meurt également par le feu, et l'on retrouve les mêmes thèmes dans les deux textes. La salamandre inonde, par ailleurs, les bestiaires médiévaux

M. Âge, Il est représenté dans de nombreux épisodes du cycle arthurien. Le cerf -tout comme la biche -apparaissait tel un révélateur des vérités recherchées par l'homme 93, On retrouve cet imaginaire dans ces quelques vers : Où maintenant est le cerf qui témoigna

, Ainsi dans « les tambours exultants de tes gestes, p.47

F. Scotto and . La, , p.5

Y. Bonnefoy, Du mouvement et de l'immobilité de Douve, éd. cit, p.48

A. Bertrand, É. Gaspard-de-la-nuit, . Jean-louis, . Steinmetz, . Paris et al., , pp.137-138, 2002.

A. Rimbaud and . Délire-ii-alchimie-du-verbe, Une saison en enfer (1873), OEuvres complètes, éd. Antoine Adam, Gallimard La Pléiade, p.106, 1972.

«. , ». , C. Baudelaire, and «. Vi, Les Fleurs du Mal (1857), éd. du Seuil, p.129, 1968.

Y. Bonnefoy, Du mouvement et de l'immobilité de Douve, éd. cit, p.54

M. , Il existe des iconographies médiévales où le Christ est symbolisé en cerf, voir par exemple la chapelle dite du Graal à Tréhorenteuc. Sous ces arbres de justice 94 , Qu'une route de sang par elle fut ouverte

, Le recueil prend une dimension de quête 98 où s, Les occurrences de « royaume », fût-ce dans « royaume des morts 96 », de « château » comme dans « Vrai nom 97 » : « je nommerai désert ce château que tu fus », alimentent l'imaginaire médiéval

, Le recueil s'appuie sur des symboles médiévaux, qui font du temps universel le moyen

À. Le-quatrain-:-forme-fermée-Évoquant-le-moyen-Âge and . Qu, une mise en page prédomine : celle de paragraphes marqués par quatre retours à la ligne. Rigoureusement, nous ne pouvons parler de strophe 100 puisqu'aucun jeu de rimes n'assure la cohérence formelle de ces paragraphes. Néanmoins, alors qu'Yves Bonnefoy utilise toutes les possibilités formelles possibles du vers court au verset, jusqu'à la prose, il nous semble intéressant de commenter ce choix typographique. Du quatrain, Philippe Martinon écrit que cette strophe est la plus courte 101 , la plus simple et la plus usitée 102 . Il en existe une très grande variété au Moyen Âge, y compris avec des rimes non couplées ; d'autres sont en monorimes. Dans la lyrique traditionnelle française, le quatrain le plus fréquent est le quatrain isométrique. Si les poètes médiévaux préfèrent le décasyllabe, l'alexandrin prédomine dès le XVI E siècle. Philippe Martinon montre que le quatrain isométrique s'est imposé au Moyen Âge

L. Au-moyen-Âge,

P. Richard, , p.274

J. Gouvard, Si l'on peut parler de strophe typographique en poésie moderne où, souvent, les vers ne riment pas, pour les métriciens, la strophe doit se fermer sur un système de rimes. Voir à ce propos Benoît de Cornulier, Art poétique, Notions et problèmes en métrique, Critique du vers, 1995.

, Dans une perspective métrique, la monorime du distique ne peut donc assurer la cohésion de la strophe

P. Martinon and L. Strophes, Étude historique et critique sur les formes de la poésie lyrique en France depuis la Renaissance, p.89, 1911.

S. Bédouret-larraburu, Du mouvement et de l'immobilité de Douve mieux, la principale forme adoptée par les poètes ; et même avec l'abandon progressif du dizain, voire du sizain, estimé trop ambitieux, c'est devenu aujourd'hui la forme presque unique de beaucoup de poètes 103 ». L'historicité de cette forme nous paraît justifier -du moins, en partie -ce choix d'Yves Bonnefoy : son paragraphe s'apparente à un quatrain libéré de la rime, dans la tradition des poètes du XIX E siècle, qui renouaient avec les formes du Moyen Âge

». «-théâtre and A. Arbres, Vérité 106 , entre autres, donnent cette impression, vol.105

, Deux ou trois phrases peuvent structurer le paragraphe, mais l'unité reste fortement marquée par la typographie, peut-être là encore plus pour l'oeil, que pour l'oreille -où la rime serait la marque de cette unité. Le recueil inscrit donc une dimension médiévale, fortement teintée de romantisme, mais cette dimension n'est pas une fin en soi, pas plus que les aspects « latinisants ». Le recueil se construit sur une dialectique de l'histoire qui innerve la langue de ses ancrages culturels, mais qui l, Le paragraphe permet enfin à Yves Bonnefoy d'organiser sa syntaxe. Si l'on trouve des enjambements de vers à vers

, Ainsi, pour Vincent Vivès « la poésie s'empare du concept et en traverse l'aridité pour aller vers la réalité d'un templum qui enserre la présence 107 ». Ce templum nous paraît inscrire une dialectique de l'histoire : au-delà de la grande culture qui est la sienne, Yves Bonnefoy cherche à donner à sa langue poétique un mouvement dans la temporalité, puisant tour à tour dans une conception de la poésie antique, Tous les commentateurs soulignent l'enjeu dialectique du recueil Du mouvement et de l'immobilité de Douve, enjeu explicité dès l'épigraphe, p.98

Y. Bonnefoy, Du mouvement et de l'immobilité de Douve, éd. cit, vol.65, p.77

V. Vivès, . Poèmes-»-d'yves, and . Bonnefoy, , p.29

S. Bédouret-larraburu, Le mouvement dialectique d'Yves Bonnefoy cherche à « passer par la mort pour que puisse s'établir, par la poésie, un accès direct non pas à l'Idée, mais à la concrétude 109, Une dialectique du temps : inscriptions de l

, Ce travail sur le temps reste une constante dans le travail poétique d'Yves Bonnefoy qui a publié en 2011 L'heure présente 110 . Ce recueil comprend plusieurs sections de sonnets, où le poète cherche comme par un exercice spirituel à fixer le temps dans un instantané, une sorte de miroir où peut se refléter l'histoire de la poésie : C'est à nouveau le lieu originel, Douve se lit alors comme lieu de métamorphoses, tour à tour en mouvement, tour à tour immobile

Y. Bonnefoy, Du mouvement et de l'immobilité de Douve, éd. cit, p.61
DOI : 10.2307/3847997

Y. Bonnefoy and L. Présente, , 2011.